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Joe Biden : une nouvelle administration à l’image de son programme

Il est tout à fait approprié que le président élu Joe Biden ait annoncé son choix au poste clé de procureur général (c’est-à-dire de ministre de la Justice) au lendemain de l’assaut des partisans du président sortant Donald Trump contre le Capitole. En nommant le juge fédéral Merrick Garland (qui sera assisté d’une équipe de juristes de renom), Biden a souligné que celui-ci et ses adjoints auraient pour mission de pour rétablir « l’honneur, l’intégrité et l’indépendance » du ministère de la Justice.

Les nominations décidées par M. Biden visent clairement à remplir l’une de ses principales promesses électorales : faire revenir la compétence et la stabilité à Washington.

Priorité a été donnée à des personnalités expérimentées, dotées de références solides, ainsi qu’à celles avec lesquelles le nouveau président entretient de solides relations de travail. Voici quelques-uns des principaux responsables de la politique intérieure et étrangère de la nouvelle administration.

Procureur général : Merrick Garland

Le procureur général dirige le ministère de la Justice et est le juriste en chef du gouvernement fédéral. Le nom de Merrick Garland est bien connu à Washington depuis 2016. Cette année-là, le Sénat, alors contrôlé par les Républicains, a refusé de voter sur sa nomination à la Cour suprême, proposée par le président de l’époque, Barack Obama. C’est un modéré respecté et connu pour sa capacité à travailler en équipe.

Ce ministère ayant été de plus en plus politisé sous Trump, la sélection de Garland est conforme à l’objectif affiché par Biden de restaurer l’indépendance de la Justice vis-à-vis de la Maison Blanche et de rendre le moral à toutes les personnes travaillant dans ce domaine. Le professionnalisme reconnu de Garland l’aidera également à s’orienter dans les centaines de procédures judiciaires déclenchées par l’administration Trump et à garantir la transparence de l’enquête en cours sur les affaires commerciales du fils du président élu, Hunter Biden.

Trésor : Janet Yellen

Le secrétaire au Trésor conseille le président sur toutes les questions économiques, financières et monétaires. Janet Yellen, ancienne présidente de la Banque centrale américaine (la Fed), est considérée comme l’une des architectes de la reprise économique consécutive à la crise financière et la récession de 2008.

Connue pour porter une attention toute particulière à la montée des inégalités et du chômage, elle est l’une des rares personnalités à être soutenue par la quasi-totalité de l’éventail politique, et sera la première femme à occuper le poste de secrétaire au Trésor.

Elle devra jouer un rôle clé dans les mesures que prendra l’administration pour redresser l’économie dans un contexte de pandémie, et sera un atout fondamental pour aider Joe Biden à tenir l’une de ses grandes promesses électorales : donner la priorité aux travailleurs lors de la prise des grandes décisions économiques.

Département d’État : Antoine Blinken

Le secrétaire d’État est le principal conseiller du président en matière d’affaires étrangères et le premier membre du cabinet après le vice-président dans la ligne de succession. Antony Blinken, a été secrétaire d’État adjoint et conseiller adjoint à la sécurité nationale au sein de l’administration Obama, et a travaillé en étroite collaboration avec Joe Biden au Sénat.

Il a une relation particulièrement étroite avec le président élu, si bien que certains observateurs vont jusqu’à qualifier la proximité entre les deux hommes de « fusion mentale ».

Élevé par des survivants de l’Holocauste, Blinken est un défenseur de longue date du principe de l’intervention humanitaire pour prévenir des atrocités de masse – une position qui, par le passé, l’a mis en désaccord avec Biden et avec d’autres spécialistes de politique étrangère, notamment à l’égard de la Syrie. Il partage toutefois l’approche globale de Biden en matière de relations internationales, qui met l’accent sur le multilatéralisme et le renforcement des liens avec les alliés. Il pèsera d’un grand poids dans la définition de la politique de la nouvelle administration sur des dossiers essentiels, au premier rang desquels l’Iran et l’Afghanistan.

Défense : Lloyd Austin

La désignation du général quatre étoiles en retraite Lloyd Austin à la tête du Pentagone a pu surprendre. Mais Austin a de solides références et a entretenu une relation de travail étroite avec Biden, en particulier sous l’administration Obama. Il a été le commandant des forces américaines en Irak, supervisant d’abord l’augmentation des effectifs des troupes américaines puis leur retrait, avant de diriger le Commandement central et d’être en charge de la réponse américaine à la menace posée par l’État islamique.

S’il est confirmé, Austin sera le premier Afro-Américain à occuper le poste de secrétaire à la Défense. Mais sa nomination suscite des inquiétudes aussi bien parmi les libéraux que parmi les conservateurs, car il y a peu encore il servait sous les drapeaux. Or le poste de secrétaire à la Défense est un poste de direction civile, et le contrôle exercé par les civils est un aspect fondamental du fonctionnement de l’armée américaine.

Les secrétaires à la Défense sont tenus par la loi d’avoir quitté l’armée depuis au moins sept ans, tandis qu’Austin ne l’a fait qu’il y a quatre ans. Bien qu’il soit possible pour le Congrès d’adopter une dérogation dans ce genre de situation, ce qui s’est d’ailleurs produit au moment de la nomination du général James Mattis, le premier secrétaire à la Défense de Donald Trump, les législateurs des deux partis peuvent se montrer réticents à entériner cette pratique.

Climat et environnement

L’une des grandes innovations annoncées par Joe Biden est la création d’un nouveau poste de niveau ministériel attribué à l’ancien secrétaire d’État John Kerry : celui de Représentant spécial pour le climat. À ce titre, Kerry siégera au Conseil national de sécurité, ce qui met en évidence l’importance que la nouvelle administration attribue au changement climatique, qu’elle voit comme une question fondamentale de sécurité et de politique étrangère.

L’administration va sans doute rapidement revenir dans l’Accord de Paris sur le climat et s’efforcer de remettre en œuvre plus de 100 réglementations environnementales nationales qui ont été annulées par l’administration Trump.

Sur le plan intérieur, Michael Regan apportera un nouveau visage à la politique climatique en tant que chef de l’Agence de protection de l’environnement (EPA). Gina McCarthy, ancienne chef de l’EPA, a été nommée au poste de coordinatrice de la Maison Blanche pour le climat.

Parmi les autres nominations notables, citons celle de l’ancien candidat à l’investiture démocrate à la présidentielle Pete Buttigieg au poste de secrétaire aux Transports (il sera le premier homme ouvertement gay à occuper un poste au sein du Cabinet) ; de Deb Haaland au poste de secrétaire à l’Intérieur (première Amérindienne à occuper un poste ministériel) ; et d’Alejandro Mayorkas au poste de secrétaire à la sécurité intérieure (le premier Latino à diriger ce département).

Les prochaines étapes

Les membres du cabinet sont nommés par le président et présentés au Sénat pour confirmation à la majorité simple. Après la double victoire démocrate aux sénatoriales partielles de Géorgie, le Sénat est divisé à 50-50 entre les deux grands partis, la voix de la vice-présidente Kamala Harris emportant la décision, ce qui donne aux Démocrates la majorité pour la première fois depuis 2014.

Même si la procédure d’impeachment visant Donald Trump doit donner lieu à un procès imminent, Biden cherchera à être opérationnel dès son investiture. Les cent premiers jours sont importants pour tous les nouveaux présidents, mais ils seront particulièrement cruciaux pour Biden, qui devra guider au mieux le pays lors de la vague hivernale de la pandémie, veiller au succès de la vaccination de la population et impulser la reprise économique, tout en apaisant le pays après les événements du Capitole.

Dès son entrée en fonctions, son équipe devra à la fois répondre à ces urgences, se mettre au travail sur des politiques de plus long terme – tant sur le plan intérieur qu’extérieur – et fixer un nouveau cap pour les quatre prochaines années.

La version originale de cet article a été publiée sur La Conversation, un site d'actualités à but non lucratif dédié au partage d'idées entre experts universitaires et grand public.

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