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L’accord sur la déforestation est essentiel pour ralentir le changement climatique, mais le Canada doit faire plus

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Les dirigeants mondiaux se sont déjà entendus pour faire cesser la déforestation, mais l'engagement est resté sans suite. (AP Photo/Michael Probst)

Lors de la conférence des Nations unies sur le climat à Glasgow (COP26), le Canada, ainsi que plus de 100 autres pays, se sont engagés à mettre fin à la déforestation d’ici 2030 pour préserver les forêts. Celles-ci jouent un rôle clé dans l’absorption du dioxyde de carbone et le ralentissement du réchauffement de la planète.

Les forêts sont les poumons de la planète. Elles absorbent de grandes quantités de dioxyde de carbone et le retiennent dans les arbres et le sol. C’est grâce à ces processus que notre planète est aujourd’hui habitable et que, plus récemment, les impacts de notre dépendance aux combustibles fossiles ont été atténués.

En tant que scientifiques des écosystèmes, nous considérons que cet engagement à mettre fin à la déforestation a un fort potentiel. Ce n’est toutefois pas une idée nouvelle. Lors d’un sommet des Nations unies sur le climat en 2014, plusieurs de ces mêmes pays ont convenu de mettre fin à la déforestation d’ici 2030. C’était un objectif ambitieux, qui est restés sans suite jusqu’à présent. La disparition des forêts a au contraire augmenté de plus de 40 % depuis l’accord.

des piles de bûches sont empilées dans un paysage stérile

Les engagements actuels de la COP26 sont toutefois moins ambitieux : les pays visent uniquement à mettre fin à la « déforestation nette », ce qui signifie que l’exploitation et le déboisement peuvent se poursuivre à la condition que la reforestation (replantation d’arbres) suive le rythme. Cette approche part du principe fallacieux que les nouvelles forêts jouent le même rôle que les anciennes. Cela dit, un progrès majeur découlant de l’engagement de la COP26 consiste à se concentrer sur l’amélioration du développement durable dans les secteurs qui ont traditionnellement mené à la déforestation.

Néanmoins, le Canada a encore du pain sur la planche s’il souhaite réaliser des progrès significatifs au regard de ce nouvel engagement, et éviter de se retrouver dans une situation où ses forêts continuent de disparaître. Le Canada doit trouver un moyen de protéger ses forêts naturelles, c’est-à-dire celles qui n’ont pas encore été touchées par l’exploitation forestière, l’exploitation minière ou d’autres activités humaines. Ces forêts vierges sont les mieux placées pour assurer les principaux avantages écosystémiques, notamment le stockage du carbone.

Les forêts ralentissent le réchauffement climatique

Les forêts absorbent le dioxyde de carbone (photosynthèse) et le libèrent (respiration). Cette absorption et cette libération sont équilibrées et déterminent l’importance du « puits de carbone » des forêts, c’est-à-dire la quantité de carbone qui y est stockée. Parallèlement à l’absorption du dioxyde de carbone, les forêts perdent de l’eau par leurs feuilles (transpiration). La déforestation influe sur ces processus et peut produire de fortes rétroactions sur le système climatique.

La déforestation a une incidence sur le cycle mondial du carbone – le transfert de carbone entre l’atmosphère et la surface de la planète et vice-versa – puisqu’elle élimine de grandes quantités de carbone stocké dans les arbres et augmente les pertes de carbone piégé dans le sol. Si les régions déboisées ne se régénèrent pas, la capacité d’absorption du dioxyde de carbone s’en trouvera également réduit à l’avenir.

La disparition de grandes étendues de forêts intactes peut avoir des conséquences importantes sur l’eau aux niveaux local et régional. La déforestation risque de réduire la formation de nuages et donc les précipitations), aggravant ainsi le risque ou la durée des périodes de sécheresse à des endroits qui subissent déjà les effets du réchauffement climatique.

Comment interpréter l’engagement du Canada

Le Canada est constitué de certaines des forêts les plus riches en carbone de la planète. Les forêts boréales renferment en moyenne plus de carbone que leurs homologues tropicales. Pourtant, la taille de l’exploitation forestière et des autres activités d’extraction menées dans les forêts boréales du Canada est considérable. Il ressort des données de télédétection recueillies que les activités forestières ont touché 650 000 hectares (1,6 million d’acres) de forêts par an entre 1985 et 2010.

Cela implique que les décisions de gestion des terres et le reboisement des paysages perturbés dans la région boréale du Canada peuvent jouer un rôle important dans les efforts d’adaptation et d’atténuation du climat du pays. Mais trois défis majeurs doivent être envisagés dans la planification, la mise en œuvre et la comptabilisation pour permettre au Canada d’atteindre ou, idéalement, de dépasser les ambitions de son engagement à mettre fin à la déforestation nette pris lors de la COP26.

Un insecte noir sur un morceau de bois
Un insecte dendroctone du pin à l’intérieur d’un morceau d’écorce d’un arbre abattu par le dendroctone du pin. (AP Photo/Dan Elliott)

1) La disparition des forêts au Canada est un problème complexe

Au Canada, le réchauffement climatique attribuable à des activités humaines modifie profondément la fréquence et l’étendue des phénomènes de perturbation naturelle, notamment les incendies ou les insectes. Plus précisément, les pertes de forêts boréales dues aux incendies de forêt, au dégel du pergélisol, à la sécheresse et aux infestations par les insectes ravageurs se multiplient. Ces pertes de forêts se produisent en plus de la récolte forestière et du défrichement, et continueront de s’intensifier à mesure que le réchauffement climatique progresse.

Selon un récent rapport de Nature Canada, une association qui milite pour la protection des habitats et des espèces, ces bouleversements naturels sont largement ignorés dans les calculs de carbone forestier du Canada, ce qui peut entraîner une sous-estimation des émissions de carbone forestier du Canada d’un ordre de grandeur.

Bon nombre de ces terres forestières perturbées peuvent se rétablir naturellement, mais rien ne le garantit. Il est de plus en plus évident que la forêt boréale deviendra moins résiliente face au réchauffement climatique and associated disturbances et aux perturbations qui en découlent.

Nous ne pourrons peut-être pas compter sur le rétablissement complet des forêts et de leur rôle comme nous l’avons fait dans le passé. Nous devons tenir compte de ces changements causés par l’homme et associés au climat, en plus de l’exploitation forestière et du déboisement, de manière honnête et transparente.

2. Le stockage souterrain est un processus lent

Dans les forêts boréales, 80 à 90 % du carbone est stocké sous terre, contrairement à la plupart des autres écosystèmes forestiers, où le carbone est stocké dans les arbres. La récupération du carbone dans les forêts boréales ne se fait pas rapidement, et ne consiste pas non plus à replanter des arbres là où le déboisement et/ou la dégradation des sols ont eu lieu.

Au contraire, cela nécessite le rétablissement plutôt lent des processus qui favorisent l’accumulation de tourbe et les importants réservoirs de carbone souterrains qui sont typiques des paysages boréaux. Ces moyens de restauration sont en plein développement, et certains succès ont été réalisés.

Il est extrêmement important et urgent de protéger de manière ciblée les régions qui possèdent de profonds dépôts de tourbe. Parmi les endroits les plus riches en carbone au Canada, on trouve l e bassin du fleuve Mackenzie et les basses terres de la baie d’Hudson, des régions qui sont également riches en ressources naturelles.

3. La déforestation est liée aux industries extractives

L’exploitation minière, la foresterie, l’hydroélectricité, le pétrole et le gaz sont au cœur de l’économie canadienne. L’engagement pris par le gouvernement Trudeau lors de la COP26 ne mettra pas fin à ces activités et ne protégera pas les forêts anciennes du Canada.

Une colline boisée où manque une grande section d’arbres

Cet engagement du Canada exige seulement que le couvert forestier net se maintienne constant, et le reboisement des forêts exploitées est déjà une pratique répandue dans une grande partie du Canada. Cependant, il existe de nombreuses preuves de l’impact de ces activités extractrices sur les avantages et les services fournis par les forêts du Canada. Par exemple, les routes et les lignes sismiques liées à l’exploitation forestière, pétrolière et gazière intensifient la perte de carbone et fragmentent le paysage, ce qui entraîne le déclin d’espèces comme le caribou boréal.

Le Canada doit absolument poursuivre le reboisement et accorder la priorité à la protection de ses forêts primaires intactes si l’on veut s’assurer que cet engagement ait un impact significatif. Il faut souhaiter que le gouvernement Trudeau profite de cet engagement pour passer rapidement du secteur de l’extraction à des activités économiques plus durables, et qu’il harmonise ces mesures aux objectifs de conservation et de réconciliation.

La version originale de cet article a été publiée sur La Conversation, un site d'actualités à but non lucratif dédié au partage d'idées entre experts universitaires et grand public.

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