La découverte de deux nouvelles radiogalaxies géantes offre de nouvelles connaissances sur l’univers

<span class="caption">Les deux radiogalaxies géantes trouvées avec le télescope MeerKAT. En arrière-plan, le ciel vu en lumière optique. Le rayonnement radio des énormes radiogalaxies, vues par MeerKAT, est superposée en rouge.</span> <span class="attribution"><span class="source">I. Heywood (Oxford/Rhodes/SARAO)</span></span>
Les deux radiogalaxies géantes trouvées avec le télescope MeerKAT. En arrière-plan, le ciel vu en lumière optique. Le rayonnement radio des énormes radiogalaxies, vues par MeerKAT, est superposée en rouge. I. Heywood (Oxford/Rhodes/SARAO)

Deux radiogalaxies géantes ont été découvertes grâce au puissant télescope MeerKAT, situé dans la région du Karoo, une zone semi-aride du sud-ouest de l’Afrique du Sud. Les radiogalaxies tirent leur nom du fait qu’elles émettent d’énormes faisceaux, ou « jets », de rayonnement radio. Celles-ci se produisent par l’interaction entre des particules chargées et de puissants champs magnétiques liés à des trous noirs supermassifs au cœur des galaxies.

Ces galaxies géantes sont beaucoup plus grandes que la plupart des autres dans l’univers et on pense qu’elles sont assez rares. Bien que l’on connaisse l’existence de millions de radiogalaxies, seules 800 géantes environ ont été découvertes. Cette population de galaxies nous était auparavant cachée par les limites des radiotélescopes. Mais le MeerKAT a permis de nouvelles découvertes car il peut détecter une lumière faible et diffuse, ce que les télescopes précédents ne pouvaient pas faire.

Notre découverte, publiée dans le journal scientifique Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, donne aux astronomes de nouveaux indices sur la façon dont les galaxies ont changé et évolué tout au long de l’histoire cosmique. C’est aussi un moyen de comprendre comment les galaxies peuvent continuer à changer et à évoluer – et même de déterminer comment les anciennes radiogalaxies peuvent se transformer.

Les radiogalaxies géantes ont été repérées sur de nouvelles cartes radio du ciel créées par l’une des études les plus avancées sur les galaxies lointaines. L’équipe qui y travaille comprend des astronomes du monde entier, dont des Sud-Africains, des Britanniques, des Italiens et des Australiens. Baptisée « MIGHTEE » (de l’anglais International Gigahertz Tiered Extragalactic Exploration), cette étude fait appel aux données recueillies par l’impressionnant radiotélescope MeerKAT d’Afrique du Sud.

Ce dernier se compose de 64 antennes et paraboles, et a commencé à collecter des données scientifiques début 2018. Il sera finalement intégré au Square Kilometre Array, un projet intergouvernemental de radiotélescope mené par l’Australie et l’Afrique du Sud.

Deux énormes antennes paraboliques sont pointées vers le ciel nocturne
Le télescope MeerKAT d’Afrique du Sud. South African Radio Astronomy Observatory (SARAO)

Les galaxies en question se trouvent à plusieurs milliards d’années-lumière. La découverte d’énormes jets sur la carte MIGHTEE nous a permis d’identifier avec certitude les objets comme étant des radiogalaxies géantes.

Leur découverte signifie qu’une compréhension plus claire des voies d’évolution des galaxies commence à émerger. Il s’agit d’une preuve de l’existence possible d’une vaste population de radiogalaxies géantes très étendues et de faible luminosité. Cela pourrait nous aider à comprendre comment les radiogalaxies deviennent si énormes et quels types de trous noirs supermassifs peuvent causer des ravages dans leurs galaxies.

Quoi de neuf ?

De nombreuses galaxies ont des trous noirs supermassifs en leur sein. Lorsque de grandes quantités de gaz interstellaire commencent à orbiter et tombent en direction du trou noir, celui-ci devient « actif » : d’énormes quantités d’énergie sont libérées dans cette région de la galaxie.

Dans certaines galaxies actives, les particules chargées interagissent avec les champs magnétiques puissants à proximité du trou noir et libèrent d’énormes faisceaux, ou « jets », de lumière radio. Les jets radio de ces « radiogalaxies » peuvent être beaucoup plus grands que la galaxie elle-même et peuvent s’étendre sur de vastes distances dans l’espace intergalactique. Imaginez-les comme des jets d’eau provenant de l’évent d’une baleine, une mince colonne se prolongeant en un panache nuageux à la fin.

Nous avons trouvé ces galaxies radio géantes dans une région du ciel dont la superficie est environ quatre fois celle de la pleine lune. D’après ce que nous savons actuellement de la densité des radiogalaxies géantes dans le ciel, la probabilité d’en trouver deux dans une région de cette taille est extrêmement faible – seulement 0,0003 %. Il est donc possible que les radiogalaxies géantes soient en fait plus fréquentes que nous le pensions.

Ce ne sont pas les premières radiogalaxies découvertes. Plusieurs centaines de milliers d’entre elles ont déjà été identifiées. Mais seulement 800 environ ont des jets radio d’une taille supérieure à 700 kilo-parsecs, soit environ 22 fois la taille de notre galaxie : la Voie lactée. Ces systèmes énormes sont appelés « radiogalaxies géantes ».

Nos nouvelles découvertes font plus de 2 méga-parsecs de diamètre : environ 6,5 millions d’années-lumière ou environ 62 fois la taille de la Voie lactée. Pourtant, elles émettent un signal plus faible que d’autres de la même taille. C’est ce qui les rend plus difficiles à voir.

Et après ?

Nous pensons que de nombreuses autres galaxies de ce type peuvent exister, en raison de nos modèles de croissance et d’évolution des galaxies. Et c’est une question à laquelle nous espérons que cette découverte pourra aider à répondre : quel âge ont les radiogalaxies géantes et comment sont-elles devenues si énormes ?

Aujourd’hui, la technologie des télescopes permet de mettre ces théories à l’épreuve. MeerKAT est le meilleur de son genre dans le monde en raison de la sensibilité sans précédent de son télescope au rayonnement radio. C’est cette capacité qui nous a permis de détecter les radiogalaxies géantes. Nous avons pu voir des caractéristiques qui n’avaient jamais été remarquées auparavant : des « jets » radio à grande échelle provenant des galaxies centrales, ainsi que des lobes flous ressemblant à des nuages à l’extrémité des jets.

Le fait que très peu de radiogalaxies soient aussi gigantesques a toujours été un peu mystérieux. On pense que les géantes sont les plus anciennes radiogalaxies, qui existent depuis assez longtemps (plusieurs centaines de millions d’années) pour que leurs jets radio puissent atteindre ces énormes dimensions. Si cela est vrai, alors il devrait exister beaucoup plus de radiogalaxies géantes que ce que l’on connaît actuellement. Et c’est important, car les jets radio peuvent influencer la formation d’étoiles de leur galaxie hôte. Ils peuvent « tuer » leur galaxie en soufflant tout le gaz et en empêchant la formation de nouvelles étoiles.

L’étude MIGHTEE se poursuit et nous espérons découvrir d’autres galaxies géantes au fur et à mesure de sa progression. Nous espérons également en découvrir beaucoup d’autres avec le Square Kilometre Array : la construction de ce télescope transcontinental devrait commencer en Afrique du Sud et en Australie en 2021 et se poursuivre jusqu’en 2027. La mise en service pourrait commencer dès 2023.

Le Square Kilometre Array devrait également révéler des populations plus importantes de radiogalaxies, révolutionnant ainsi notre compréhension de l’évolution des galaxies.

La version originale de cet article a été publiée sur La Conversation, un site d'actualités à but non lucratif dédié au partage d'idées entre experts universitaires et grand public.

Lire la suite: