Tokyo 2020 : la pandémie a mis à mal la santé mentale des athlètes olympiques

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La Canadienne Margaret Mac Neil nage vers la médaille d’or lors de la finale du 100 mètres papillon féminin aux Jeux olympiques de Tokyo. La Presse Canadienne/Frank Gunn

La première semaine des Jeux olympiques de Tokyo a déjà donné lieu à d’incroyables performances : la Canadienne Maggie Mac Neil a remporté l’or au 100 mètres papillon et les Canadiennes sont montées sur le podium pour la première fois en judo, et ce, dans une compétition qui présente des défis sans précédent pour tous les athlètes.

On a beaucoup parlé de l’absence de spectateurs à ces Jeux olympiques en pleine pandémie, ainsi que des risques liés au fait de réunir des milliers d’athlètes à proximité les uns des autres alors que Tokyo est en état d’urgence en raison de la transmission de la Covid-19. Mais les athlètes ont dû affronter d’autres défis qui sont moins apparents.

Ayant participé aux Jeux d’été de 1984, je connais la préparation nécessaire pour se rendre aux Jeux olympiques et la pression qu’on subit une fois sur place. Mais ces Jeux sont encore plus exceptionnels, étant donné l’impact que la pandémie de Covid-19 a eu sur les athlètes au cours des 18 derniers mois – non seulement sur leur entraînement physique, mais aussi sur leur état mental.

Anxiété et incertitude

L’incertitude et l’imprévisibilité causées par la pandémie ont engendré une grande détresse psychologique chez les athlètes. Des athlètes d’élite ont affirmé que l’incertitude quant à leur avenir, la baisse de leurs revenus, la modification des procédures d’enseignement universitaire, la fermeture des installations et l’annulation des compétitions ont été d’importants facteurs de stress psychologique.

La Française Clarisse Agbegnenou, médaillée d’argent en judo aux Jeux olympiques de Rio en 2016, a déclaré à Eurosport : « L’incertitude quant au moment où on pourra s’entraîner et participer à des compétitions est très difficile à gérer… J’aime programmer les choses à l’avance. Le fait d’être dans le brouillard m’a vraiment abattue. » Dans le même article, Makis Chamalidis, psychologue du sport, a affirmé que la combinaison de l’isolement social et de l’anxiété a engendré du repli sur soi et de la dépression chez des athlètes.

Un rapport de la FIFPro, l’organisation qui représente 65 000 joueurs de soccer professionnels, a révélé que les symptômes d’anxiété et de dépression avaient doublé chez ces derniers depuis le début de la pandémie en décembre 2020. Le principal facteur contributif était l’inquiétude quant à leur avenir dans le sport.

D’autres facteurs, comme le fait d’être confiné chez soi avec un équipement d’entraînement minimal, de ne pas avoir de calendrier de retour au sport et d’être isolé socialement, ont amené de nombreux athlètes à exprimer leur anxiété et leur stress en ligne et dans le cadre d’entretiens.

Catherine Beauchemin-Pinard lève son poing droit en signe de victoire alors que son adversaire est au tapis

La détresse émotionnelle accrue a été corrélée à un manque de communication et de soutien de la part des entraîneurs, des supporters, des médias et des autres. Pendant la pandémie, les psychologues du sport ont signalé une augmentation des demandes de consultation en ligne ainsi qu’une hausse des diagnostics de troubles psychologiques chez les athlètes.

Le temps est crucial

Le report ou l’annulation des saisons et des épreuves de qualification a entraîné « beaucoup de chagrin, de stress, d’anxiété et de tristesse » chez les athlètes.

Sport’Aide, une organisation à but non lucratif qui vise à éliminer la violence et les abus dans les sports, remarque que le temps est crucial pour la carrière des athlètes. La majorité d’entre eux ne participent qu’à une seule édition des Jeux olympiques et il est très peu probable que des athlètes participent à des compétitions après l’âge de 40 ans. Le report des Jeux olympiques peut avoir des conséquences désastreuses pour certains athlètes à cause de la durée limitée de leur carrière.

Sport’Aide a constaté que l’isolement, la soudaine augmentation du temps libre et l’accroissement de l’inactivité, en plus de sentiments de déception et d’incertitude causés par le report des Jeux, ont provoqué de l’anxiété, de la détresse psychologique et des symptômes dépressifs chez des athlètes.

Les athlètes ont affirmé que le manque d’activité physique pendant la quarantaine était la principale raison de la détérioration de leur bien-être mental. En outre, comme les athlètes olympiques passent la majeure partie de leur temps à s’entraîner, la diminution de l’activité physique peut avoir engendré un déficit en dopamine et en endorphine, d’où une baisse des sentiments de plaisir et de bonheur.

Mécanismes d’adaptation

Chaque athlète a réagi différemment à la pandémie, selon sa résilience et ses mécanismes d’adaptation.

Dans un premier temps, on a constaté que les professionnels de la santé mentale qui ont travaillé avec des athlètes les ont encouragés à rechercher le soutien de leur famille et de leurs amis. Cela leur a permis d’améliorer, entre autres, leur hygiène de vie, leur alimentation, leur sommeil et leur capacité de penser.

Après le report officiel des Jeux olympiques, les athlètes ont eu le sentiment que tout leur travail et leur planification sont devenus incertains, et les recommandations ont alors changé pour inciter les athlètes à travailler sur leurs faiblesses.

Des méthodes telles que la pleine conscience, la fixation d’objectifs et le recadrage ont été encouragées par le biais de vidéos et de téléconsultations. Cependant, tous les athlètes n’ont pas pu mettre à profit ces suggestions, car certains ne disposaient pas du soutien nécessaire. En conséquence, certains athlètes sont devenus inactifs et désorientés et ont souffert d’un stress psychologique important.

Deux plongeuses sont sur le point d’entrer dans l’eau simultanément
Les Canadiennes Jennifer Abel et Melissa Citrini Beaulieu lors de la compétition qui leur a permis de remporter la médaille d’argent en plongeon synchronisé au tremplin de 3 mètres aux Jeux olympiques de Tokyo. (AP Photo/Dmitri Lovetsky)

Une étude a révélé que les médias sociaux peuvent promouvoir le bien-être en diffusant des messages positifs, en encourageant les comportements sains à la maison et en permettant aux athlètes de rester en contact virtuel avec leur famille, leurs amis et leurs entraîneurs. Mais ils ont aussi leur lot d’inconvénients. Ainsi, la pandémie a donné lieu à beaucoup d’informations négatives, ce qui a engendré des émotions difficiles, un déficit de sommeil et de la détresse mentale.

Les finances

Les athlètes olympiques s’entraînent sans relâche pendant quatre ans avant de participer aux Jeux olympiques. Habituellement, les athlètes répartissent leur financement sur ces quatre années, mais le report des Jeux de Tokyo a mis de nombreux athlètes dans une situation financière difficile, de sorte qu’il leur manque une année de financement.

On croit souvent à tort que les athlètes olympiques sont riches. La vérité est que la plupart d’entre eux ne disposent pas d’un soutien financier suffisant et se retrouvent à devoir trouver des emplois d’appoint.

Pendant que nous continuons à regarder et à encourager les concurrents à Tokyo, gardez à l’esprit ce que ces athlètes ont dû endurer au cours des 18 derniers mois pour pouvoir participer à ces Jeux olympiques hors du commun.

La version originale de cet article a été publiée sur La Conversation, un site d'actualités à but non lucratif dédié au partage d'idées entre experts universitaires et grand public.

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