À New York, l’analyse des courses de taxi révèle le surmenage dans la finance

<span class="caption">Les chercheurs ont récolté les enregistrements de plus d’un milliard de courses dans les célèbres taxis jaunes entre janvier 2009 et juin 2016. </span> <span class="attribution"><a class="link " href="https://unsplash.com/photos/B40Coqg3KLI" rel="nofollow noopener" target="_blank" data-ylk="slk:Unsplash;elm:context_link;itc:0;sec:content-canvas">Unsplash</a>, <a class="link " href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/" rel="nofollow noopener" target="_blank" data-ylk="slk:CC BY-SA;elm:context_link;itc:0;sec:content-canvas">CC BY-SA</a></span>

Le secteur financier est considéré comme l’un des secteurs les plus stressants pour les travailleurs. La pression exercée pour obtenir des résultats constamment convaincants affecte l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des banquiers en les incitant à faire de longues journées de travail.

Un groupe d’analystes juniors travaillant dans la grande banque d’investissement Goldman Sachs a récemment fait part de ses inquiétudes concernant la charge de travail excessive, ce qui a attiré l’attention des grands médias financiers.

La direction a réagi en promettant une application plus stricte de l’interdiction existante de faire travailler les banquiers juniors le samedi, mais aussi, paradoxalement, en demandant au personnel de « faire un effort supplémentaire pour notre client, même lorsque nous sentons que nous atteignons nos limites ».

Ce n’est pas la première fois que les longues heures de travail dans le secteur de la finance font la une des médias. En 2013, la disparition tragique de Moritz Erhardt, un stagiaire de 21 ans de la City de Londres décédé après avoir travaillé pendant trois jours sans dormir, avait mis en lumière les horaires de travail exténuants dans les banques d’investissement et suscité les critiques des médias.

16 millions de courses analysées

En réaction, quelques mois après ce choc, la plupart des banques d’investissement ont mis en place des politiques de « week-ends protégés » qui visaient à améliorer l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des banquiers juniors en leur garantissant du temps libre pendant les week-ends, notamment le samedi. Certaines banques suisses leur ont d’ailleurs emboîté le pas.

<span class="caption">À la suite du décès d’un stagiaire de la City en 2013, les banques d’investissement ont mis en place des politiques de « week-ends protégés ».</span> <span class="attribution"><a class="link " href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Super_moon_over_City_of_London_from_Tate_Modern_2018-01-31_4.jpg" rel="nofollow noopener" target="_blank" data-ylk="slk:Wikimedia;elm:context_link;itc:0;sec:content-canvas">Wikimedia</a>, <a class="link " href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/" rel="nofollow noopener" target="_blank" data-ylk="slk:CC BY-SA;elm:context_link;itc:0;sec:content-canvas">CC BY-SA</a></span>

Or, comme nous l’expliquons dans un récent article de recherche, il n’est toutefois pas certain que ces politiques améliorent l’équilibre entre le travail et la vie privée des banquiers juniors. C’est pourquoi nous avons décidé d’étudier l’évolution de la culture du surmenage dans les banques en évaluant comment ces politiques ont affecté les heures de travail des banquiers, et si elles répondent à leurs bonnes intentions en encourageant les banquiers juniors à les réduire.

Pour ce faire, nous avons analysé les informations de 16 millions de trajets en taxi depuis dix grandes banques d’investissement de New York et leurs environs immédiats vers des destinations résidentielles. Ils ont utilisé les enregistrements de plus d’un milliard de courses en taxi jaune publiés par la Commission des taxis et des limousines de la ville de New York, y compris les coordonnées GPS des lieux de prise en charge et de dépose et les horodatages des prises en charge qui sont disponibles pour chaque course de janvier 2009 à juin 2016.

Culture persistante

Cette analyse, menée avec mon ex-collègue de doctorat de la Aalto University School of Business (Finlande), montre que, lorsque les banques ont mis en place des politiques de travail sans samedi, cela a incité les employés à travailler tard le soir en semaine pour compenser. Ces résultats sont plus marqués pendant les semaines de stages d’été, lorsque les banques d’investissement emploient un grand nombre d’étudiants désireux de faire leurs preuves en travaillant dur.

<span class="caption">L’étude révèle que la mise en place de politiques de travail sans samedi, a incité les employés à travailler tard le soir en semaine pour compenser.</span> <span class="attribution"><a class="link " href="https://www.shutterstock.com/image-photo/stock-traders-working-office-758625136" rel="nofollow noopener" target="_blank" data-ylk="slk:Shutterstock;elm:context_link;itc:0;sec:content-canvas">Shutterstock</a></span>

Ainsi, les effets négatifs de la politique peuvent avoir été plus prononcés pour les employés les plus vulnérables, que les politiques étaient censées protéger. Ce constat est révélateur de la nature de la culture du secteur bancaire et de la mesure dans laquelle les banques peuvent la modifier en introduisant de nouvelles politiques, montrant que même des politiques bien intentionnées peuvent avoir des conséquences inattendues. En outre, elle témoigne de la persistance de la culture des longues journées de travail dans les professions hautement qualifiées, en particulier dans la finance.

Nos résultats suggèrent donc qu’il est difficile de changer la culture des banques par décret, en particulier lorsque les enjeux pour les employés juniors et leurs patrons sont élevés. Même si des journées plus longues ne génèrent qu’une augmentation modeste de la productivité de l’équipe, l’importance des enjeux peut inciter les patrons à pousser leurs subordonnés à travailler davantage…

La version originale de cet article a été publiée sur La Conversation, un site d'actualités à but non lucratif dédié au partage d'idées entre experts universitaires et grand public.

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