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Comment le Canada peut fournir une énergie propre et fiable grâce aux macroréseaux électriques

<span class="caption">L’eau dévale du barrage hydroélectrique Carillon au Québec.</span> <span class="attribution"><span class="source">LA PRESSE CANADIENNE/Ryan Remiorz</span></span>
L’eau dévale du barrage hydroélectrique Carillon au Québec. LA PRESSE CANADIENNE/Ryan Remiorz

La tragédie qui a récemment secoué le Texas confirme la nécessité pour les services publics d’être prêts à affronter les phénomènes météorologiques extrêmes. Ces anomalies qui surviennent sur l’ensemble de la planète amènent avec elles des orages de plus en plus intenses, des vents de plus en plus violents, des vagues de chaleur ainsi que des sécheresses qui menacent la performance des réseaux d’électricité.

Le secteur de l’électricité doit s’adapter à ces changements et simultanément jouer un rôle primordial dans la lutte aux changements climatiques pour en diminuer l’impact. S’il y a bien des manières de diminuer les émissions de gaz à effet de serre, c’est à ce secteur que revient le rôle central en matière de décarbonisation de notre bilan énergétique. Une électricité carboneutre peut servir à l’électrification des transports, du chauffage et de l’industrie, permettant ainsi de réduire les émissions produites dans ces domaines d’activité.

Le renforcement des réseaux de transmission électriques sur de longues distances est une façon économique de faciliter la création d’un réseau propre et fiable, et d’abaisser les coûts associés à nos objectifs climatiques. Il est temps que le Canada s’y mette.

Une assurance anti extrêmes

L’une des premières leçons à tirer des pannes de courant texanes, c’est que des conditions extrêmes peuvent provoquer des pannes qui paralysent l’ensemble des sources de courant électrique. Le Texas a ainsi perdu simultanément sa production électrique à partir de gaz naturel, de charbon, d’énergie nucléaire, et de ses éoliennes. Mais il lui manquait également la capacité de se raccorder à d’autres réseaux électriques qui auraient pu renforcer l’approvisionnement.

Le transport à haute tension – qui permet de transporter l’électricité sur de longues distances – permettrait aux régions victimes de conditions météorologiques extrêmes de se brancher sur la capacité énergétique excédentaire de régions épargnées. Par exemple, alors que le Texas se débattait avec un épisode de froid polaire, les températures relativement clémentes régnant en Californie auraient permis de produire un excédent d’électricité. Mais il n’y avait aucun moyen de faire parvenir ces kilowatts au Texas. Bâtir de nouvelles lignes interrégionales à haute tension servirait de police d’assurance en cas de paralysie du réseau provoquée par les effets dévastateurs des changements climatiques.

A transmission tower crumpled under the weight of ice
La tempête de verglas de 1998 au Québec a laissé 3,5 millions de Québécois et un million d’Ontariens, ainsi que des milliers de personnes au Nouveau-Brunswick, sans électricité. PC/Robert Galbraith

Les lignes à haute tension sont elles-mêmes exposées aux événements climatiques comme les tempêtes de verglas, qui les rendent temporairement inopérantes. Il faudrait envisager l’usage de pylônes plus résistants, ou encore enfouir les lignes à haut voltage sous terre.

De toute façon, davantage de lignes interrégionales amélioreraient la résilience du réseau face aux événements extrêmes en favorisant une meilleure répartition de l’offre sur de plus vastes territoires.

Réduire le coût de l’électricité propre

Une plus grande capacité de transmission permettrait également d’atténuer les effets des changements climatiques :de nombreuses études démontrent que plus un réseau électrique est étendu, plus les raccords à des sources d’énergies renouvelables s’en trouve facilités, ce qui, en fin de compte, favoriserait une baisse du coût de l’électricité.

Au cours d’une étude récente, deux d’entre nous ont étudié le rôle que le transport électrique pourrait jouer sur la réduction des émissions de gaz à effets de serre du secteur de l’électricité au Canada. Nous avons observé que les coûts liés à la réduction des gaz à effet de serre baissent lorsque de nouvelles lignes interprovinciales sont construites ou que les lignes existantes sont renforcées.

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La valeur ajoutée vient de la capacité de raccorder la production d’énergie solaire et éolienne à un système flexible et carboneutre permettant la production d’électricité sur demande.

Au Canada, nous exploitons un système essentiellement basé sur l’hydroélectricité, mais la majorité de cette production provient de cinq provinces : la Colombie – Britannique, le Manitoba, l’Ontario, le Québec, Terre-Neuve et Labrador.

À l’ouest, l’Alberta et la Saskatchewan disposent d’une topographie idéale pour y ériger des fermes solaires et éoliennes à faible coût. Un transport électrique amélioré leur permettrait de produire plus d’énergie solaire et éolienne intermittente, avec la garantie de pouvoir se reposer sur de l’électricité d’appoint en provenance de la Colombie-Britannique et du Manitoba au cas où le vent se calme et le soleil se voile.

Lorsque le vent souffle et que le soleil brille, le flux d’électricité à bas coût pourrait être inversé afin de permettre à la Colombie-Britannique et au Manitoba de mieux gérer le niveau de leurs réservoirs. Les provinces ne peuvent tirer que des bénéfices de ces échanges à condition de créer les infrastructures nécessaires.

Un document de travail récent nous a permis d’évaluer la contribution à la décarbonisation des réseaux électriques de la Colombie-Britannique et de l’Alberta que permettrait l’ajout de lignes de transmission à haute tension. Des échanges accrus d’électricité entre la Colombie-Britannique et l’Alberta pourraient faire économiser des milliards de dollars chaque année sur le coût de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Bien que notre analyse se soit concentrée sur la valeur du projet Site C, elle démontre que de nouvelles lignes de transmission seraient plus profitables que la réalisation d’un seul projet hydroélectrique.

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La valeur ajoutée de l’installation de nouvelles lignes électriques entre l’Alberta et la Colombie-Britannique pendant la réduction des gaz à effets de serre. Auteurs, Author provided

Construire le réseau

Compte tenu des avantages que procure l’amélioration de la connectivité des réseaux, on pourrait penser que la mise en chantier de nouveaux projets s’imposerait comme une évidence. Mais il y a des obstacles.

Tout d’abord, la gestion des réseaux électriques relève de compétences provinciales, le plus souvent dirigées par des sociétés d’État. Les décisions prises relèvent non seulement de l’économie, mais du politique également. Si une ligne électrique augmente la quantité d’électricité importée en provenance du Manitoba vers la Saskatchewan, cela peut susciter des craintes de perte d’occasions d’affaires dans la province. Le succès de ces accords dépend donc de la réciprocité des avantages.

Ensuite, les coûts. Il faudrait délier les cordons de la bourse au palier fédéral. Le gouvernement a déjà envoyé des signaux encourageants en ce sens.

Enfin, ces lignes électriques sont encombrantes, un peu comme des pipelines. Leur localisation peut provoquer des dissensions, même si elles permettent de distribuer de l’électricité carboneutre.L’utilisation de corridors existants tels que ceux des lignes ferroviaires qui disposent déjà d’un droit de passage ou encore du projet Canadian Northern Corridor,qui serait un corridor de transport multimodal de 7000 kilomètres dans le nord du pays, pourrait atténuer ces désaccords.

Si le Canada est capable de gérer ces obstacles, nous pourrions nous trouver dans une situation avantageuse, permettant à la fois de nous protéger des conditions climatiques extrêmes tout en produisant une électricité carboneutre à un coût inférieur.

La version originale de cet article a été publiée sur La Conversation, un site d'actualités à but non lucratif dédié au partage d'idées entre experts universitaires et grand public.

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Blake Shaffer a reçu un financement de Ressources naturelles Canada et a fourni des services de conssultation en matière de politique aux gouvernements de la Colombie-Britannique, de l&#39;Alberta et du Canada. Il a précédemment occupé des postes de direction dans le domaine du commerce de l&#39;énergie chez Transalta Corporation et BC Hydro.

Nicholas Rivers reçoit un financement du Conseil de recherche en sciences humaines.

G. Kent Fellows does not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and has disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.