#MoiAussi en 2021 : partout dans le monde, les femmes poursuivent la lutte contre la violence sexuelle

<span class="caption"> Une manifestante lance des slogans pendant une manifestation dans le centre d’Istanbul pour dénoncer la violence contre les femmes en Turquie, le 25 novembre 2020.</span> <span class="attribution"><span class="source">AP Photo</span></span>
Une manifestante lance des slogans pendant une manifestation dans le centre d’Istanbul pour dénoncer la violence contre les femmes en Turquie, le 25 novembre 2020. AP Photo

Bien que la pandémie de Covid-19 ait fait la une de l’actualité mondiale en 2020, pour de nombreux pays, l’année a également été caractérisée par de nouvelles prises de conscience #MoiAussi.

En Turquie, une utilisatrice anonyme de Twitter a déclaré avoir été harcelée sexuellement par un célèbre écrivain, ce qui a déclenché une vague de tweets sous le mot-clic #uykularınızkaçsın (#mayyoulosesleep, où d’autres personnes disaient avoir vécu des expériences de violence sexuelle.

En Égypte, une page anonyme d’Instagram a été créée pour mettre en garde contre un homme accusé d’être un prédateur sexuel. (Sa créatrice, Nadeen Ashraf, 22 ans, a par la suite révélé son identité.) En une semaine,la page (@assaultpolice) a attiré 70 000 abonnés, et des milliers de femmes égyptiennes ont partagé sur les médias sociaux des témoignages de violence sexuelle.

Au Québec, l’été 2020 a été marqué par une vague de dénonciations en ligne de violences sexuelles, dont beaucoup ont été publiées de manière anonyme. Ces messages comportaient des accusations contre des personnalités de premier plan comme le chef du Bloc Québécois ainsi que contre des citoyens ordinaires, comme des professeurs et des thérapeutes.[JG1]

Cela fait maintenant plus de trois ans que les mots-clics #MeToo et #MoiAussi sont nés sur Twitter. Et les femmes et les filles du monde entier continuent à utiliser les médias sociaux pour partager les violences sexuelles qu’elles ont subies.

En tant que chercheuse sur les politiques et les poursuites en matière d’agression sexuelle, ainsi que sur le militantisme féministe numérique, je vois le début de la nouvelle année comme une occasion de réfléchir tant aux avantages qu’aux risques de la divulgation en ligne de la violence sexuelle.

Avantages de la divulgation en ligne

Dans mes recherches préliminaires, j’ai analysé 1 200 tweets #MeToo postés de 2017 à 2019 et qui proviennent pour la plupart des États-Unis, où le mouvement a débuté. J’ai constaté que ce mot-clic était largement utilisé par les femmes et les filles pour révéler des violences sexuelles qu’elles ont vécues. Pour certaines, c’était la toute première fois qu’elles en parlaient.

Lorsque des femmes et des filles racontent en ligne leurs expériences de violence sexuelle, il y a des avantages pour l’individu et la société dans son ensemble.

Pour commencer, il a été démontré que la divulgation de la violence sexuelle en ligne permet un processus de guérison. Le simple fait de poster #MoiAussi peut donner un sentiment de justice que la personne ne ressentirait pas autrement.

De nombreux obstacles freinent le processus de signalement des violences sexuelles. Une grande partie de ceux-ci sont rejetés car jugés non fondés par la police. Et lorsque des accusations sont portées,les procédures judiciaires peuvent engendrer une survictimisation, les procès aboutissant rarement à une condamnation. Cela signifie que les victimes sont le plus souvent incapables de faire reconnaître leur expérience par le système judiciaire.

Les médias sociaux offrent aux victimes un autre moyen de se faire entendre, ce qu’elles peuvent faire sans nommer ni humilier personne.

De plus, grâce au mot-clic #MoiAussi, de nombreuses personnes ont pu nouer des amitiés et créer des liens avec des victimes d’expériences semblables à la leur.

Les violences sexuelles ont toujours été considérées comme un sujet tabou, alors qu’il s’agit d’un problème répandu dans le monde entier.

Selon les statistiques, une femme sur trois dans le monde sera victime d’une agression sexuelle au moins une fois au cours de sa vie.

Les récits de violence sexuelle partagés sur les médias sociaux contribuent à rendre visible cette troublante réalité. Ils obligent les membres de la société à prendre conscience de la prévalence de la violence sexuelle et des ravages qu’elle provoque.

Les risques de la divulgation en ligne

Malgré les avantages personnels et sociétaux que présente la divulgation des expériences de violence sexuelle en ligne, elle comporte des risques importants.

De nombreuses femmes et filles qui ont participé au mouvement #MeToo/#MoiAussi ont fait l’objet d’attaques misogynes et d’insultes en ligne.

En fait, près d’un quart des tweets #MeToo que j’ai analysés comportaient des attaques contre des personnes qui ont eu recours au mot-clic pour partager une histoire d’agression.

Ce trollage comprend généralement des insultes sexistes, un langage malveillant, une condamnation de la victime et du slut-shaming (traiter les femmes de salopes). Certaines personnes ont également reçu des menaces de violence, notamment de viols et de mort.

Dans les pires des cas, les utilisatrices de Twitter qui ont révélé avoir été agressées ont été victimes de doxing, c’est-à-dire que leurs données personnelles ont été intentionnellement publiées en ligne.

Le trollage genré sous les mots-clics #MeToo/#MoiAussi a été amplifié par les « comptes robots ». Il s’agit de logiciels programmés pour générer des messages simples sur les médias sociaux. Ils répondaient aux tweets #MeToo/#MoiAussi par des messages injurieux.

Ce type de trollage peut avoir des effets physiques et psychologiques importants, et engendrer des problèmes de santé mentale, de l’insomnie, des crises de panique, de l’automutilation et, dans certains cas, le suicide.

Changements pour l’avenir

Bien que les risques liés à la divulgation de la violence sexuelle en ligne doivent être pris au sérieux, il est clair que les médias sociaux ont offert aux femmes et aux filles du monde entier une puissante plate-forme de lutte contre les violences sexuelles.

Women dressed in black protest in Paris

Le mouvement mondial #MeToo de 2020 a déjà donné lieu à de nouvelles lois (et projets de loi) sur la violence sexuelle dans plusieurs pays, tels que l’Égypte et l’Iran.

S’il y a encore du chemin à parcourir pour changer les attitudes de la société à l’égard de la violence sexuelle, le renforcement des protections juridiques des victimes d’agressions sexuelles est une belle façon de commencer 2021.

La version originale de cet article a été publiée sur La Conversation, un site d'actualités à but non lucratif dédié au partage d'idées entre experts universitaires et grand public.

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